mardi 24 septembre 2019

Tract Hypertension distribué à l'AG de La Santé en Lutte

La Santé en Lutte – Nous avons besoin de plus de personnel et de plus de moyens!



Depuis plusieurs mois maintenant, le personnel de différentes institutions de soins est mobilisé pour réagir à la dégradation constante de leurs conditions de travail. Dans ce cadre, une grande Assemblée Générale de rentrée de La Santé en Lutte était organisée vendredi 13 septembre à Bruxelles. Le texte ci-dessous est tiré du tract Hypertension (1) qui y a été distribué. Nous vous invitons par ailleurs à lire l’interview que nous avons réalisée de Karim Brikci, délégué permanent CGSP de l’hôpital Brugmann-Horta ainsi qu’à vous rendre sur Facebook La Santé en Lutte. 
On exige toujours plus avec moins de personnel. Les soins sont enchaînés les uns après les autres, à la chaîne, sans plus avoir de temps pour les patients. La pression et la dégradation des conditions de travail sont devenues insoutenables. La dimension humaine des soins a été détruite par la charge de travail et la transformation des hôpitaux en usines. Des tableaux Excel interprétés par des consultants externes, ou autres bureaucrates, ne permettront jamais de saisir la réalité de terrain.
“Sous le gouvernement Di Rupo, plus de 4 milliards d’euros ont été économisés dans l’assurance-maladie, dont 1 milliard d’euros ‘‘d’économies nettes’’. Sous celui de Michel, le compteur a été augmenté de 3,84 milliards d’euros, dont plus de la moitié sont des économies nettes’’(2). Nous sommes au début d’une véritable crise des soins de santé. Avec trop peu de moyens, un désinvestissement chronique et la commercialisation progressive de la santé, impossible que celle-ci fonctionne correctement !
Tout ceci n’est pas une fatalité. Nous partageons matin et soir ce constat sur nos lieux de travail. La Santé en Lutte est un espace de convergence pour toutes les travailleuses et les travailleurs de la santé, afin de sortir de notre isolement et prendre conscience de notre force collective. Avec la grève des hôpitaux publics bruxellois le 3 juin, les mardis des blouses blanches et le mouvement dans les maisons de repos, le mouvement des travailleurs de la santé s’étend. Cela offre l’opportunité d’élaborer tous ensemble, avec la participation des différents syndicats, un plan d’action crescendo vers une journée d’action nationale commune pour tous les secteurs confondus de la santé.
Dans une interview au Soir, Robert Verteneuil, le président de la FGTB a raison d’expliquer que le signal donné par les électeurs le 26 mai dernier, c’est celui des préoccupations sociales. Pour y répondre, il propose un plan national d’urgence socio-climatique : augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs via les salaires, relever la pension minimum à 1500€ net, le salaire minimum à 14€/heure brut, les minima sociaux au-dessus du seuil de pauvreté et des investissements dans le social et le climat. C’est un bon programme dans lequel La Santé en Lutte peut s’inscrire : les investissements publics nécessaires dans le secteur sont importants.
La formulation de nos revendications peut varier, qu’on soit dans le public ou le non-marchand, dans les hôpitaux, les
maison de repos, les soins à domicile, au SIAMU… Mais nous sommes tous confrontés aux mêmes problèmes.
  • Un refinancement public massif de la santé pour de l’engagement de personnel supplémentaire, de bonne conditions de travail et des soins de qualité pour tous.
  • Une augmentation de l’ensemble des salaires et un minimum de 14€/heure soit 2300€ brut par mois.
  • Un renforcement du système fédéral de sécurité sociale, pas de scission de celle-ci !
  • Une réduction du temps de travail à 30h semaine pour permettre un travail à long terme dans le secteur, avec
    embauches compensatoires, sans pertes de salaires et avec une interdiction formelle du travail à temps partiel
    involontaire.
  • Mettons un terme à la privatisation et à la commercialisation de la santé. Pour un service public national de santé gratuit,
    sous contrôle démocratique de la collectivité. Y compris la partie rentable du secteur, l’industrie pharmaceutique, duquel serait bannie l’avidité du privé.
  1. Hypertension (version néerlandophone: ‘Polsslag’) a vu le jour lors de la Colère Blanche (2004-2005) comme journal d’action pour des militants syndicaux combatifs et critiques, tant à la CSC qu’à la FGTB dans le secteur de la santé. Ce réseau s’est créé à l’initiative de délégués membres du Parti Socialiste de Lutte (PSL), mais est ouvert à tout activiste combatif dans le secteur. Contact : www.socialisme.be / info@socialisme.be
  2. Service national d’études des mutualités socialistes, décembre 2017.

La santé en lutte! Interview de Karim Brikci, délégué permanent CGSP de l’hôpital Brugmann-Horta


Depuis mars s’est développé un mouvement social chez le personnel des soins de santé bruxellois. Débutant dans les urgences et soins intensifs de l’hôpital Brugmann-Horta, celui-ci s’est étendu à d’autres hôpitaux et veut fédérer le secteur de la santé en lutte. Nous avons donc interviewé le délégué permanent CGSP de l’hôpital Brugmann-Horta, Karim Brikci.
Propos recueillis par Pablo (Bruxelles)
Bonjour Karim, j’imagine que la colère du personnel des soins de santé ne tombe pas du ciel. Peux-tu nous expliquer son contexte ?
‘‘En effet, comme dans beaucoup de secteurs, le ras-le-bol est profond. La situation s’est détériorée à très grande vitesse avec des conséquences catastrophiques pour le personnel et les patients. Ce constat est dénoncé par les organisations syndicales et les travailleurs depuis de longues années. Au jour le jour tout ceci se traduit par une démotivation, une explosion des burnouts,…
‘‘En parallèle, depuis plusieurs législatures, les soins de santé ont subi des économies à grande échelle devant être supportées par le personnel de terrain : non-remplacements d’effectifs, suppressions d’acquis tels que des jours de congés, primes de fin d’année,… Les patients ont aussi subi de plein fouet les conséquences de ces politiques avec des délais d’attentes de plus en plus importants, des augmentations de tarifs et de prix des médicaments.’’
Comment le mouvement s’est-il développé ?
‘‘Face au constat, de nombreux petits combats ont été menés ces dernières années pour tenter au maximum de contrer ces choix politiques. Chaque petit combat isolé semblait perdu d’avance. Mais toutes ces luttes ont pu remettre à l’ordre du jour la nécessité de se battre pour une amélioration de nos conditions de travail et la défense de nos acquis.
‘‘En février, dans mon hôpital, les brancardiers ont mené une grève courageuse de trois jours pour empêcher la suppression de 3 postes et pour dénoncer un management devenu de plus en plus autoritaire, qui ne prenait pas en compte l’avis de ceux qui au quotidien souffrent de la surcharge de travail. La direction a été surprise et ne s’attendait pas à une telle détermination. Au bout des 3 jours, elle a dû céder et les brancardiers ont obtenu le remplacement en CDI des 3 postes menacés. Contrairement à ce qui a pu vivre par le passé, la solidarité et l’intérêt pour leur combat était assez remarquable. On entendait sur le piquet “Bravo, vous osez vous quand même !”, “On devrait tous faire la même chose”.’’
Une sorte d’étincelle en somme…
‘‘Tout à fait. Quelques jours plus tard, notre délégation a été interpellée par des collègues infirmières des soins intensifs et des urgences pour discuter de leur participation à la grève prévue pour la Journée Internationale de lutte pour les droits des femmes. Partant de leur vécu et d’une situation devenue intenable, elles avaient dressé leur propre cahier de revendications et l’énorme majorité des équipes étaient prête à partir en grève pour soutenir leurs demandes. A partir du 8 mars, ces équipes sont rentrées en mouvement pour obtenir satisfaction à leurs revendications. On a travaillé systématiquement sous forme d’assemblées avec les collègues pour discuter des avancées, du suivi des discussions avec la direction,…
‘‘Avec les collègues du syndicat nous avons donné une attention particulière au fait que le combat est celui des travailleurs de terrain et que donc c’est à eux de le mener. Nous étions là pour les soutenir, les défendre, mais en aucun cas prendre des décisions à leur place. En interne, plusieurs avancées ont pu être obtenues après 2 mois de mobilisations et de négociations. Mais une bonne partie de leurs revendications, comme la reconnaissance du temps d’habillage, le remboursement des transports en commun ou encore la revalorisation salariale, étaient renvoyée vers la direction du réseau IRIS, seule, selon la direction locale, à pouvoir répondre à ces demandes.
‘‘En assemblée, nous avons discuté longuement sur la stratégie à suivre. La médiatisation autour de notre “petite” mobilisation allait nous aider et nous avons été mis au courant que nos collègues de l’hôpital Saint-Pierre – qui vivent bien évidemment la même situation – prévoyaient aussi de passer à l’action. Quelques rencontres et discussions nous ont amené à proposer au front commun syndical une action coordonnée de tous les hôpitaux IRIS avec une journée de grève et de manifestation. La date a été convenue pour le 3 juin. Cette journée fut un grand succès avec quelques 400 personnes présentes devant les bureaux de la direction du réseau. L’ambiance était incroyable et la volonté de lutter et de continuer la mobilisation bien présente. La direction a proposé ce jour-là de discuter tout l’été autour du cahier de revendications.
‘‘Bien que beaucoup soient méfiants, et à juste titre, de cette stratégie de groupes de travail, l’assemblée organisée à la fin de la journée de grève avec les travailleurs grévistes a décidé d’y participer, d’exiger des réponses pour début septembre et d’appeler à une réunion le 21 juin pour mettre sur pied une coordination de tous les travailleurs du secteur de la santé. Cette coordination a depuis pris un nom La Santé en Lutte.’’
Quelle importance a cette coordination de “la Santé en Lutte” selon toi ?
‘‘Pour nous, c’est un développement extrêmement important. Notre secteur est tout d’abord confronté à un chantage moral quand nous discutons de passer à l’action. On peut facilement nous accuser de “prendre en otage les patients”. Pour nous, il est clair qu’aujourd’hui c’est l’austérité et les politiques menées qui prennent en otage les patients et que notre mouvement a pour but d’améliorer la situation de tous, travailleurs et patients. Mais nous devons prendre ça en compte et faire un travail de sensibilisation et de mobilisation conscient et efficace.
‘‘Ensuite, dans notre secteur, la division syndicale est très marquée entre public et privé ou entre hôpitaux et maisons de repos par exemple. La Santé en Lutte veut unifier dans ce combat global pour un refinancement des soins de santé l’ensemble des acteurs, syndiqués ou non, travailleurs et patients, syndicats et associations professionnelles, etc. Cela ne sera certainement pas évident, mais l’ensemble des collègues impliqués actuellement sont motivés par cette perspective et nous allons faire le maximum pour que la question de la santé soit sur la table à la rentrée de septembre 2019.’’
Quelle est la position des directions hospitalières face à ce mouvement ?
‘‘Un développement intéressant a été que cette mobilisation a forcé une série d’employeurs publics et privés à soutenir le mouvement et à déclarer publiquement qu’un refinancement était nécessaire. Ce positionnement est légèrement hypocrite compte tenu du fait que ce sont ces mêmes employeurs qui appliquent sans discuter cette austérité depuis des années, mais nous pouvons utiliser ça pour avancer et légitimer notre combat.’’
Que prévoyez-vous pour la rentrée sociale ?
‘‘Beaucoup de choses sont discutées actuellement. Tout d’abord, nous organisons une grande assemblée de La Santé en Lutte le 13 septembre. Nous espérons pouvoir être capable de mettre tous les acteurs autour de la table et de discuter sérieusement d’un véritable plan d’action à la hauteur des enjeux. En parallèle, la mobilisation au niveau du réseau IRIS va continuer. Début septembre, la direction doit donner des réponses à nos revendications. Nous prévoyons des assemblées dans tous les hôpitaux IRIS pour présenter les réponses de la direction et décider de la suite à donner. Mais je peux déjà te dire qu’il est clair pour nombre d’entre nous que certains points de revendications sont cruciaux et que la mobilisation reprendra de plus belle si nos directions ne donnent pas de réponses avec des engagements sérieux.
A côté de ça, la CGSP-ALR (Administrations locales et régionales) mène une campagne depuis une grosse année autour de la nécessaire et urgente revalorisation salariale de notre secteur qui comprend les hôpitaux publics, les communes, les CPAS, etc. Nous sommes encore un des seuls secteurs où de nombreux collègues sont payés en grade E, grade qui a disparu dans de nombreux endroits et qui ne permet pas de vivre décemment aujourd’hui à Bruxelles. Ce combat-là va aussi être mené à la rentrée parce qu’il semble clair aujourd’hui que le gouvernement bruxellois n’a pas mis à l’ordre du jour cette revalorisation malgré les différentes promesses pré-électorales. La rentrée sera donc assez chaude…’’
– Suivez ce combat sur Facebook => ‘‘La santé en lutte’’